
«Sois un élève appliqué, tu pourras exercer le métier de ton choix et obtenir un bon salaire». Ce précepte simpliste censé stimuler les jeunes n’a plus cours. Les salaires pharaoniques d’une petite poignée de dirigeants économiques sont à ce point hors de la mesure commune qu’ils ne peuvent plus servir de référence.
Ils ne traduisent ni une compétence exceptionnelle ni n’obéissent à une logique particulière qui serait celle du marché du travail des managers (DP 1738). On sait l’importance du travail d’équipe dans le succès d’une entreprise. Et ce soi-disant marché n’est qu’une fiction qui sert à camoufler des décisions prises en petit comité et en toute opacité par des personnes qui se renvoient l’ascenseur. En réalité, on assiste à une appropriation unilatérale de la plus-value par une caste de rapaces dont l’avidité ne semble plus avoir de limites.
Ce phénomène agit comme un puissant corrosif de la cohésion sociale. Alors que la grande majorité des salariés subit les effets de la compression des coûts – licenciements effectifs ou menaçants, délocalisations, rationalisation des processus de production et stress, progression salariale modeste ou nulle, voire négative -, cette caste s’enrichit, y compris lorsque les affaires ne flambent pas. Deux poids deux mesures qui minent l’adhésion au système économique et l’identification à l’entreprise. Des patrons et des politiciens bourgeois l’ont bien compris qui dénoncent cette dérive, surtout visible dans le secteur financier.
L’initiative populaire de la Jeunesse socialiste «Pour des salaires équitables» aborde donc un problème réel. Mais elle fausse le débat en proposant une solution inadéquate. Certes le droit d’initiative permet d’imposer un débat, de transformer en objet politique une indignation ou un malaise. Mais, pour que le débat soit fructueux, encore faut-il exercer ce droit de manière habile et efficace. Faute de quoi l’énergie investie dans l’action ne produit qu’un feu de paille et contribue à terme à la démobilisation des troupes.
Instaurer un salaire maximum – en l’occurrence un multiple du salaire minimum – ne permet pas de saisir toutes les catégories de revenus et donc de limiter le niveau global de la rémunération. Par ailleurs, l’intervention de l’Etat dans la politique salariale des entreprises risque fort de ne pas séduire une majorité qui reste instinctivement libérale. Pourquoi ne pas saisir l’opportunité de relancer le débat sur la fiscalité? Pourquoi ne pas réhabiliter la progressivité de l’impôt?
Seule la fiscalité peut taxer aussi bien le salaire que les primes, les stock-options, les dividendes, les bonus et les intérêts, c’est-à-dire l’ensemble des revenus. Et seule une progressivité forte contribue à une redistribution de la plus-value. Pour faire face à la crise de 1929, le président Roosevelt avait fortement augmenté les impôts des plus riches. Deux décennies plus tard, les pays dits développés ont fait de même, ce qui a contribué à réduire les inégalités.
Depuis la tendance s’est inversée et, au cours des deux dernières décennies, les allégements au profit des plus favorisés se sont succédés. Il est temps de donner un coup d’arrêt à cette tendance. D’autant plus que les effets négatifs de la course à la sous-enchère fiscale commencent à se faire sentir (DP 1892). En imposant exclusivement au niveau fédéral la part des revenus dépassant un certain montant – par exemple 300’000 francs – , on éviterait le tourisme fiscal des nantis.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!