
Le cycle dit de Doha, lancé dans cette ville en 2001 par l’Organisation mondiale du commerce (OMC), a pour but l’abolition des barrières aux marchés internationaux des marchandises et des services. Les négociations auraient dû se conclure en 2004. Sept ans plus tard, on est encore dans l’impasse.
On pensait tout d’abord que les divergences les plus importantes concernaient l’agriculture, les subventions à la production et à l’exportation octroyées par les Etats-Unis et l’Union européenne. Néanmoins, les documents présentés ces jours à Genève prévoient une baisse des dites subventions et les divergences se sont ainsi reportées sur la réduction des droits de douane des produits industriels.
Le différend oppose surtout les grands pays de l’hémisphère sud (le BRIC: Brésil, Inde, Chine) aux Etats-Unis et à l’Union européenne. Ces derniers critiquent la coexistence de deux formules de taxation douanières différentes, l’une pour les pays plus industrialisés (USA, UE et Japon), l’autre pour les pays en développement. Les Etats-Unis expliquent que dans certains secteurs sensibles cette imposition différenciée leur est défavorable: en ce qui concerne le textile par exemple, les pays en développement pourraient conserver des droits de douane élevés, alors que Washington devrait réduire les siens de manière significative. Ron Kirk, représentant américain au commerce extérieur, relève que ce système permettrait à la Chine d’avoir accès aux marchés extérieurs alors même qu’elle ne devrait pas ouvrir le sien.
Concrètement, les Etats-Unis et l’UE demandent à la Chine d’accepter un seul régime tarifaire pour ses secteurs les plus compétitifs (produits chimiques, électronique, matériels industriels par exemple). Washington et Bruxelles exigent aussi de la part de l’Inde un plus grand libéralisation de certains secteurs, l’industrie pharmaceutique et les machines-outils par exemple. Quant au Brésil, il devrait ouvrir son secteur de la technologie de l’information. Chine, Inde et Brésil ne sont évidemment pas d’accord avec ces propositions, d’où cette nouvelle impasse.
La prochaine séance, le 31 mai, sera donc décisive pour trouver une solution de compromis et pour sauver dix années de négociations. Pascal Lamy affirme en effet que c’est tout le système de l’OMC qui est en danger. Cette situation constitue un coup très dur pour une organisation critiquée par une grand partie de l’opinion publique, notamment parce qu’elle accorde une trop grande priorité aux règles commerciales au détriment des aspects sociaux et environnementaux. Certains accords signés au sein de l’OMC, dont ceux concernant la propriété intellectuelle (ADPIC) qui couvrent désormais les biens essentiels (aliments, médicaments, etc.) et les organismes vivants, sont sous la loupe de plusieurs ONG.
En œuvrant dans un cadre de négociations multilatérales, permettant a priori aux faibles de n’être pas totalement aux mains des plus forts, l’OMC devrait pouvoir jouer un rôle important dans la difficile gestion du commerce international. Toutes les Etats membres ont les mêmes droits au sein de l’organisation et chaque pays peut entraver l’aboutissement d’un accord. Toutefois, malgré cette égalité formelle entre les Etats, les décisions sur les accords principaux sont arrangées dans de petits groupes (les chambres vertes) au sein desquels les représentants des grandes puissances commerciales discutent pour proposer ensuite leurs décisions aux autres Etats membres.
Les Etats-Unis et l’UE estiment que la Chine serait le vrai gagnant des négociations de Doha: pas question donc de lui laisser cet avantage. L’impasse actuelle illustre la bataille commerciale que se livrent les grands acteurs du commerce mondial, chacun faisant la sourde oreille aux propositions des autres.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!