
S’il est un principe central de notre société, c’est bien la libre concurrence, qui implique le libre choix du consommateur. Pourtant, il est dans la logique même des entreprises d’essayer de limiter cette liberté. Prenons l’exemple des contrats de téléphone et de radio-télévision, qui prévoient très souvent un renouvellement automatique d’un an, voire même deux, si le contrat n’est pas résilié à temps, avec un préavis de trois mois. Ce fil attaché à la patte de l’abonné n’a qu’une seule «justification»: l’empêcher de faire marcher la concurrence.
Pour ce genre d’abus exercé par la partie forte au détriment de la partie faible, il ne paraît pas exagéré de parler de «contrats-prisons». Pourtant, les choses sont, semblerait-il en train de changer. Sous la pression de la Fédération romande des consommateurs, qui a engagé des négociations en 2008, Swisscom a annoncé en février dernier qu’il accepterait le principe d’une résiliation à d’autres dates que la fin d’une année.
On peut citer un autre exemple: les contrats d’assurance.
Dans un tout autre domaine qui concerne également une majorité des habitants de la Suisse, les baux de nombreux appartements prévoient des délais de résiliation absurdement longs, comme par exemple ce bail chaux-de-fonnier qui prévoit un délai de quatre mois, mais avec la possibilité de résilier le bail uniquement à la fin des mois de mars, juin et septembre. Cela n’a l’air de rien, mais si l’habitant de l’appartement envoie sa lettre de résiliation le 1er juin, celle-ci ne sera effective qu’au 31 mars, soit 10 mois plus tard. Sur l’ensemble de l’année, le délai de résiliation effectif est de 6,25 mois en moyenne.
Contacté à ce sujet, le gérant affirme que le locataire peut tout à fait bénéficier d’un délai de quatre mois car «il suffit de résilier le bail au bon moment». «De toutes façons», ajoute-t-il, «le locataire n’a qu’à trouver une autre personne pour reprendre l’appartement». Cette dernière remarque ne manque pas de cynisme, le but du long délai de résiliation étant de permettre au propriétaire d’encaisser le loyer de l’appartement vide lorsque, précisément, on ne trouve pas d’autre locataire. Autrement dit dans les cas où le rapport qualité-prix est mauvais et où il serait particulièrement important que le consommateur puisse faire jouer la concurrence.
L’individu qui se bat contre un contrat-prison parvient souvent à obtenir des aménagements. Dans le cas ci-dessus, le gérant a finalement accepté une résiliation pour fin décembre. Nous ne saurions trop inciter nos lecteurs à exiger de tels espaces de liberté. Mais il serait tout de même bien plus efficace d’introduire dans la législation les points suivants:
- Si la partie forte introduit dans un contrat une disposition visant uniquement à entraver la liberté de choix du client et son droit à faire jouer la libre concurrence, alors cette disposition est nulle.
- Est passible de poursuites pénales toute entreprise qui introduit de façon délibérée et systématique des dispositions de type prison dans ses contrats, afin de profiter du fait que ses clients ignorent la loi.
- Dans le cas du logement, le délai de résiliation devrait être différent pour le locataire et pour le propriétaire, compte tenu du fait que le logement est pour le premier un bien de première nécessité alors qu’il n’est qu’un objet commercial pour le second. Il paraît raisonnable que le locataire puisse résilier le contrat avec un mois de préavis, alors que pour le propriétaire souhaitant priver un individu de son cadre de vie, un délai d’un an est vraiment le strict minimum.
Il s’agit là d’un combat politique au nom de la liberté du consommateur et de la libre concurrence, des valeurs centrales de notre société. C’est donc un combat qui a toutes les chances d’être gagné.
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Christophe Schouwey vit à La Chaux-de-Fonds. Son blog: Le regard du Martien.
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