Tels les fans de Roger Federer qui sur les gradins, voulant que leur soutien soit criardement visible, se maquillent aux couleurs nationales – joues vermillon et bec en blanc –, les partis politiques de la droite s’habillent aux couleurs du drapeau suisse.
L’UDC a sorti sa collection «élections fédérales». La ligne est simple comme le slogan «les Suisses votent UDC». Affirmation qui a l’évidence d’un constat: les étrangers n’ont pas le droit de vote, et la force d’un jugement: ceux qui ne votent pas UDC ne sont pas de vrais Suisses. Le PDC est moins excessif, il affiche: «sans nous, pas de Suisse», ce qui fait fâcheusement penser à la formule ayant cours sous l’Ancien Régime: «pas d’argent, pas de Suisses». Le PLR, qui se distingue par sa défense obstinée du secret bancaire et qui relaie les choix d’économiesuisse, prétend agir «par amour de la Suisse», car on peut aimer une riche héritière apparemment pour elle-même alors qu’on convoite son argent.
La similitude des références patriotiques, qui a frappé tous les commentateurs, n’est pas due au hasard. Elle intervient au moment où l’Union européenne nous contraint à des choix, quel que soit le processus de rapprochement. Or l’UDC a une fois pour toutes, sans équivoque, opté pour l’indépendance sans perte de souveraineté, mais au prix et au risque de l’isolement. Les autres partis bourgeois doivent convaincre, en comparaison, de leur patriotisme.
La Suisse des multinationales et des grandes banques mondialisées réinvente la Suisse primitive, dont les mythes avaient déjà servi au radicalisme de la fin du 19e siècle. On joue des supplémentaires historiques. On donne dans la suissitude.
Identité
Le débat politique n’a rien à gagner à ce remake: le fils Tell a grandi, et son père touche l’AVS. En revanche, doit être repris le travail de relecture de notre histoire, que l’échec de 1992 a provisoirement ralenti. La Suisse s’est construite non pas par le repliement sur elle-même, mais par l’ouverture, à la source des grandes vallées alpines. Les cols n’ont jamais été des obstacles mais une invite à voir de l’autre côté. De même, la construction de la Suisse économique s’est faite avec l’apport de l’étranger en inventions, en capitaux, en travailleurs.
Confédéral
Une caractéristique de notre histoire qui doit être mise en valeur sans complaisante suissitude.
L’originalité historique de la Suisse, c’est sa capacité à sauvegarder l’alliance confédérale, malgré les affrontements entre cantons campagnards et cités, malgré les guerres de religion, malgré l’exploitation des bailliages.
La rivalité des cantons, leur égoïsme n’a pas rompu l’intérêt commun, celui de l’alliance. D’où l’importance donnée à l’arbitrage et le sens politique attribué à la loyauté. Même si le concept quasi militaire de l’alliance est dépassé, l’intérêt commun s’exprime dans la loyauté confédérale.
L’Union européenne s’est plainte des conditions fiscales offertes par des cantons abusant de leur autonomie. Elle y voit une concurrence déloyale. Le reproche devrait nous toucher en fonction même de notre histoire.
Nous n’avons pas avec l’Union un accord de type confédéral, mais le lien est assez fort pour que nous appliquions à cet étroit partenaire l’obligation de loyauté européenne. L’indépendance, c’est aussi l’interdépendance.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!