
Juste avant son départ en retraite, Hans-Rudolf Merz a donc réussi à signer une déclaration commune avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne. Mais ces deux brèves déclarations annonçant l’ouverture de négociations sur la collaboration transfrontalière en matière fiscale ne disent presque rien sur le contenu de ces futurs accords.
La notion d’impôt libératoire selon le modèle Rubik (DP 1853) n’y figure même pas. Et les gouvernements concernés doivent encore fixer les mandats de négociation. Les communiqués officiels publiés à l’occasion de ces signatures expriment plus les espoirs de la Confédération que des résultats concrets et acquis.
Si les négociations aboutissent, Allemagne et Grande-Bretagne peuvent espérer des rentrées fiscales substantielles – on parle de plusieurs dizaines de milliards – mais étalées sur au moins une décennie. Ce qui rend néanmoins attractive pour ces pays la solution de l’impôt libératoire. Mais l’Union européenne a adopté le principe de l’échange automatique d’informations et il est douteux qu’elle y renonce soudain. L’imposition à la source des revenus de l’épargne placée à l’étranger par les résidents de l’Union, actuellement en vigueur, ne constitue qu’une étape provisoire. Bruxelles prépare un élargissement de l’assiette de cet impôt qui devrait inclure également les dividendes et les gains en capitaux, tout comme l’impôt libératoire proposé par la Suisse.
Dès lors pourquoi l’Europe ne se satisferait-elle pas de la solution helvétique? Parce les contribuables étrangers dépositaires de comptes en Suisse échapperait aux régles fiscales de leurs pays – taux et progression notamment -, ce qui constituerait une discrimination à l’égard de leurs compatriotes déclarant leurs avoirs dans leur pays de résidence.
Les banques suisses proclament ne plus vouloir abriter d’argent étranger non déclaré et, en guise de bonne foi, ont vendu Rubik aux autorités helvétiques. Mais le souci de propreté financière affirmé par la Suisse a des limites. Les accords de double imposition avec la Grande-Bretagne et l’Allemagne stipulent, conformément aux standards de l’OCDE, que la communication du seul nom d’un contribuable soupçonné de fraude ou d’évasion permet de déclencher l’entraide administrative. Les mêmes accords signés avec des Etats du tiers-monde exigent aussi le nom de la banque de dépôt; autant dire que ces pays n’obtiendront que rarement les informations utiles au recouvrement des impôts dûs. La nouvelle vertu helvétique en matière financière et fiscale ne vaudrait donc qu’à l’égard des pays riches.
Par ailleurs la Suisse offre encore trop de possibilités de camoufler des fortunes non déclarées. La spirale des prix de l’immobilier dans les stations de montagne huppées, sur la riviera lémanique et dans la région zurichoise résulte en partie du transfert dans la pierre de fonds jusqu’ici placés dans les banques suisses et qui fuient l’impôt anticipé en vigueur et le futur impôt libératoire. En effet, nous sommes peu regardants sur l’origine de ces fonds, même lorsque le soupçon est plausible qu’ils soient d’origine criminelle, comme le remarquait l’ancien procureur genevois Bernard Bertossa dans une récente émission de la télévision romande.
Quoi qu’il en soit, Patrick Odier, président de l’Association suisse des banquiers et vice-président d’economiesuisse, prédit un prochain afflux de fonds venant de l’étranger, grâce à «la confiance, la stabilité et la discrétion», vertus durablement payantes, foi d’associé-dirigeant d’une banque genevoise fondée en 1796.
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