La relève de deux conseillers fédéraux a eu lieu sans surprise, dans le statu quo politique. Et le résultat, enregistré avec une émotion plus proche de celle du parieur que de celle du militant.
Cette remarque n’est pas persiflage. Si l’on attend des partis qu’ils préparent au professionnalisme politique des hommes et des femmes à qui seront transférées des responsabilités gouvernementales, il faut reconnaître que les quatre candidats PLR et socialistes étaient de qualité, à la mesure de ce que peut sélectionner la démocratie helvétique. Ce qui a pour conséquence historique de mettre en place un gouvernement à majorité féminine.
Simonetta Sommaruga
Les risques pour le parti socialiste étaient un affrontement interne. Personne n’ignore que le référendum qui a fait tomber la loi sur l’électricité est considéré par la gauche du parti socialiste comme la reconnaissance à l’échelle nationale de sa légitimité. Dès lors on pouvait s’attendre à ce qu’elle réagisse à la présentation de Simonetta Sommaruga, qui s’engagea pour la loi de même qu’elle fut une signataire remarquée du Manifeste du Gurten au temps Blair–Schröder de la troisième voie.
Plus récemment, S. Sommaruga a publié avec R.-H. Strahm une réflexion réformiste intitulée Für eine moderne Schweiz (Nagel & Kimche, 2005), qu’illustrent en couverture de solides compatriotes exclusivement masculins, tirant au jeu de la corde dans la tradition des jeunesses campagnardes. En ce qui concerne la fiscalité, les auteurs font remarquer que souvent les déductions profitent, par effet de la progressivité, aux plus riches. Elles devraient être supprimées à l’exception d’un crédit d’impôt par enfant. Pour le reste, une accentuation de la progressivité n’apporterait selon eux pas plus de justice – qu’il faudrait rechercher à travers un taux unique ou du moins s’inspirant de la Flat Tax.
Ces propositions mériteraient davantage que trois lignes de discussion. Mais cet exemple pour démontrer que la liberté de proposition de S. Sommaruga fut très large et que la gauche du PS eut d’emblée la sagesse de ne pas les combattre au dernier moment, quand le rôle des candidatures fut ouvert. Christian Levrat, président du PS, a su remarquablement éviter les écueils. Dans un mois, à Lausanne, au congrès extraordinaire chargé d’adopter le nouveau programme du parti, il pourra à la fois saluer la nouvelle conseillère fédérale qui a animé une réflexion différente et faire l’éloge d’un programme plus coloré.
Compromis
Les candidates socialistes interrogées par les médias étaient obligées – par conviction aussi – de suivre les positions de leur parti. Et ensuite, dans un deuxième temps, de souligner, devant les difficultés de les imposer, la nécessaire recherche du compromis qui peut aller, par les «vertus» de la collégialité, jusqu’à défendre une position contraire.
C’est abuser de la casuistique politique suisse. Car le compromis n’est pas obligatoire, et dans les faits pas souhaitable. Une majorité se dégage et s’impose, dont acte. Quant à la collégialité, elle n’exige pas que l’on défende contre sa conviction un projet, mais qu’on ne critique pas publiquement un projet une fois adopté par le collège.
Abuser de ce vocabulaire, c’est reconnaître implicitement qui détient le pouvoir, et qui peut être amené à faire des «concessions».
Un suffixe suffit pour passer de «compromis» à «compromission». En fait le compromis véritable ne devrait s’appliquer qu’à l’élaboration d’un programme minimum liant les partis gouvernementaux, sans l’UDC.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!