
Tous les scénarios échafaudés par les médias pour animer la mise en scène de l’élection complémentaire au Conseil fédéral, tous les bruits de couloirs et autres ragots complaisamment rapportés – un journaliste de la Radio romande furetant dans les couloirs du Palais fédéral ne fut-il pas surnommé «gorge profonde» par ses collègues – se sont révélés être du pur remplissage médiatique.
L’élection complémentaire s’est déroulée dans l’ordre et a manifesté une volonté de continuité de la part du Parlement. Une continuité d’autant plus justifiée que les principales candidatures étaient de qualité. Même la double présence bernoise au gouvernement et la nouvelle majorité féminine dans l’exécutif n’ont pas semblé faire problème. Pourtant le calme n’est qu’apparent.
L’équipe féminine pourrait bien s’amenuiser lors du renouvellement intégral du Conseil fédéral en décembre 2011, avec le départ de Micheline Calmy-Rey et l’éjection probable d’Eveline Widmer-Schlumpf. Une probabilité qui a dû faciliter le choix «féministe» de certains députés mâles, peu portés sur le partage du pouvoir.
Les résultats du candidat de l’UDC sont plus inquiétants. Jean-François Rime s’est maintenu par deux fois jusqu’au dernier tour, grappillant 17 suffrages hors de sa fraction contre Simonetta Sommaruga et 29 contre l’élu radical. Le Fribourgeois en fut tout ébahi. La surprise passée, il est déjà annoncé comme le joker qui récupérera le deuxième siège des conservateurs nationalistes dans une année. En lui apportant leur soutien, ces parlementaires jouent le jeu d’une UDC qui n’a pas sa place au sein d’un gouvernement de concordance (DP 1807).
L’expérience Blocher et celle tout aussi négative d’Ueli Maurer (DP 1873), deux magistrats qui ont constamment privilégié les positions de leur parti au détriment de la collégialité, ne leur ont-elles donc rien appris? Sans parler des invectives incessantes de ce parti à l’encontre des pouvoirs institués et de la stigmatisation des étrangers qu’il pratique de manière systématique. L’UDC s’est une nouvelle fois référé aux règles de concordance pour justifier sa prétention à occuper deux sièges gouvernementaux. Des règles qu’il croit à tort pouvoir réduire à une proportionnelle arithmétique. Et qu’il ne respecte même pas en s’attaquant par exemple au deuxième siège socialiste. Certains croient pouvoir convertir l’UDC à la concordance en cédant à ses prétentions gouvernementales (Neue Zürcher Zeitung, 23.9.2010). C’est mal connaître ce parti qui ne fonctionne qu’à l’opposition systématique et à la déconsidération de ses adversaires.
Ces travers ne guettent certes pas la gauche socialiste. Mais la tentation croissante de se profiler en force d’opposition en conjugaison avec l’UDC – actions de promotion de la paix à l’étranger, 11e révision de l’AVS, révision de la loi sur l’assurance-maladie au titre des soins intégrés notamment -, risque bien à terme d’entamer sa crédibilité de parti gouvernemental. Ce n’est pas jouer le jeu de la concordance que de refuser des compromis parce qu’ils ne correspondent pas en tous points à ses positions et de préférer le statu quo à des améliorations partielles en joignant ses voix à celles de son principal adversaire.
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