Au temps où ils passaient pour insubmersibles, les radicaux revendiquaient non seulement l’exercice du pouvoir mais aussi le savoir gouvernemental. En particulier, ils défendaient une conception très stricte de la collégialité, selon laquelle le membre d’un exécutif devait garder le secret des débats et surtout s’abstenir d’exprimer son opinion personnelle une fois la décision prise.
Depuis qu’ils se découvrent minoritaires ou en position de relative faiblesse au sein des gouvernements, les radicaux ont oublié leurs belles théories sur la collégialité. Du coup les avis divergents ouvertement confirmés prolifèrent. Les indiscrétions distillées mezzo voce et les coups de gueule caractérisés pullulent. Pascal Couchepin fait figure de précurseur avec ses bruyants «coups de sac» qu’il réservait à l’annuelle promenade en pull rouge sur l’île Saint-Pierre, divilgués en temps réel par les journalistes en campagne .
Maintenant, obligé de contrer l’usure du procédé ou pressé par la multiplication des blocages, notre ministre de l’Intérieur a passé à la fréquence quasi-hebdomadaire. Dans les derniers jours, on a eu droit à la fédéralisation des universités, à l’ixième pavé dans la marre de l’assurance maladie, à l’âge de la retraite en fonction du salaire qui semble être la dernière trouvaille avant les vacances d’été.
Certes, Couchepin sait formuler des avis plus nuancés. On peut le vérifier en relisant les entretiens avec Jean Romain (L’Age d’Homme, 2002) ou en compulsant les plus longues des interviews qu’il accorde volontiers aux grands journaux ou, à défaut, à la presse dominicale, bientôt la seule qui s’intéresse à lui outre-Sarine.
Malgré sa volonté de jouer le barycentre du Conseil fédéral, entre le centre gauche et l’extrême droite, Pascal Couchepin passe de plus en plus pour l’interprète, aussi prédisposé que consentant, d’un nouveau style de politique. Un style fait de postures médiatiques, de déclarations catégoriques, d’émotions plutôt que d’idées. Il incarne parfaitement le véritable effet pervers induit par l’arrivée de Christoph Blocher à l’exécutif fédéral. Elu dans un climat délétère, ce dernier se comporte comme s’il avait banni la dimension collégiale de son travail, brouillant à ce point les cartes et les usages que les autres conseillers fédéraux – pour ne rien dire des parlementaires – s’autorisent toutes sortes de fantaisies.
Ainsi la dignité du politique en prend chaque jour un nouveau coup, le traitement des dossiers n’avance pas. Mais les médias ont de quoi commenter. Il paraît que les affaires fédérales sont moins ennuyeuses, prenant de la couleur en même temps que les visages, aux traits désormais plus affirmés.
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