François Grin accuse l’absence «de toute référence au rôle de l’anglais» dans la loi. C’est pourtant «le principal problème linguistique qui se pose aujourd’hui à la Suisse» insiste Alain Pichard, journaliste et auteur de différents ouvrages sur la diversité culturelle de la Suisse. Afin d’éviter l’opposition des cantons – très attachés à leurs compétences en matière d’instruction publique – l’avant-projet se tait sur le sujet. Pas d’indications sur l’âge d’apprentissage de l’anglais. Toute intervention de Berne – à l’image de l’initiative parlementaire du conseiller national socialiste Didier Berberat exigeant que la première langue étrangère soit une langue nationale – susciterait des rejets et des divisions, prédit Constantin Pitsch. Divisions qui agitent déjà le pays, malgré le silence de la loi.
Deux camps
D’un côté se rangent les cantons alémaniques plutôt favorables à l’anglais aux dépens du français, de l’autre les Romands obligés d’apprendre l’allemand en plus de l’anglais. Pour apaiser le conflit, la Conférence des directeurs cantonaux de l’instruction publique (CDIP) vient de s’accorder sur l’introduction de deux langues étrangères à l’école primaire, dont une nationale, en laissant le choix de la langue prioritaire aux cantons. On évite la relégation du français au secondaire tandis que l’anglais, malgré la mauvaise humeur romande, devient la première langue étrangère en Suisse alémanique.
Appenzell Rhodes intérieures montre le chemin depuis 2001, suivi maintenant par Uri et bientôt par Zurich. La science, la technique, l’informatique et l’économie parlent anglais dans un monde globalisé, proclame la Landesschulkommission appenzelloise dans sa délibération en faveur de l’anglais. La beauté inutile du français peut attendre, sans mettre en danger la cohésion nationale. Une langue travaille pour le marché de l’emploi et pour la croissance, selon le credo d’Ernst Buschor, ancien chef de l’Instruction publique zurichoise, avis largement partagé dans les cantons de Suisse orientale.
Bref, «l’anglais ne peut plus être une langue étrangère» titre Eric Hoesli dans les colonnes du Temps (17 janvier 2004). Sans oublier, toutefois, avant de se rendre à l’hégémonie de l’anglais, «le cadeau insensé fait par le monde aux pays anglophones» dénoncé par François Grin (Le Temps du 13 janvier 2004). Les Etats-Unis, en supprimant l’enseignement des langues étrangères dans leurs écoles, économisent ainsi seize milliards de dollars chaque année .
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