La Grèce expérimente la solidarité, relative, des pays de la zone euro, mais elle subit, durement, l’épreuve d’une monnaie inadaptée à sa situation. La dévaluation lui est interdite. Il lui faut donc agir politiquement et brutalement. L’euro produit les mêmes effets qu’un taux de change fixe, rattaché à l’or. Avant-guerre, la Suisse en a fait l’expérience. Cet épisode de notre histoire devrait nous rendre plus compréhensible la situation grecque et nous inciter à agir en Européens.
Effets de change
Dans les manuels d’économie, il est enseigné que la dévaluation stimule les exportations et aussi le tourisme, et renchérit les importations. En conséquence, bonne pour la balance commerciale!
Mais surtout le maniement politique est plus aisé. Si la dévaluation entraîne une hausse du coût de la vie, la décision de ne pas indexer salaires et rentes sera prise par une multitude d’agents économiques. L’effet sera certes une baisse du pouvoir d’achat, mais la décision sera diffuse. Vouloir obtenir frontalement le même résultat concentre la responsabilité sur le seul pouvoir politique.
1936
La Suisse a vécu lors de la crise de 1933 cette problématique. La Banque nationale possédait déjà des réserves d’or importantes et les milieux bancaires défendaient âprement la parité-or du franc. La politique de déflation était, dans cette logique, ouvertement assumée: baisse de 10% des salaires du personnel fédéral, qu’un référendum fit (provisoirement) échouer. Il fallut la régression catastrophique des exportations et, à l’extérieur, la dévaluation du franc français pour que, brusquement, le Conseil fédéral procède à une dévaluation de 30%, annoncée à la radio par le président de la Confédération, martelant cette évidence rassurante: «Un franc est toujours un franc». Les historiens sont d’avis concordant: cette dévaluation nécessaire fut trop tardive pour déployer tous ses effets de relance stimulante.
SECO
La Grèce n’a aujourd’hui pas le choix. Sa monnaie, c’est l’euro. Elle doit donc assumer de face l’impopularité d’une politique de déflation.
Serait nécessaire, à titre de compensation, de mettre en œuvre parallèlement un plan de relance. Mais par qui serait-il financé? – la dette à honorer et rembourser retenant toutes les énergies.
Interrogé au cours de la Matinale de la RSR (2 mai), Jean-Daniel Gerber, secrétaire d’Etat, directeur du SECO, a très clairement fait comprendre qu’il n’était pas question d’une participation suisse au plan de sauvetage. Nous ne sommes pas dans la zone euro, et d’autre part, si on a besoin de nous, on connaît notre adresse.
Cette prudence, cette peur de se faire prendre le bras en engageant le petit doigt ne sont pas acceptables, d’autant que les risques sont limités et que, dans notre propre intérêt bien compris, nous devons souhaiter voir l’euro non pas affaibli mais affermi.
Si l’on admet le diagnostic, à savoir la nécessité pour la Grèce de relancer son économie afin de contrebalancer les coupes et les restrictions, il doit être possible, avec l’appui officiel de la Suisse, d’engager des investissements dont serait assuré le financement. Une garantie fédérale pourrait en consolider la rentabilité. Un rôle modeste pour la Suisse, mais une initiative solidaire, européenne et philhellène.
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