Les deux salles régulièrement subventionnées par la Ville de Genève – la Comédie et Le Poche – sont gérées par une fondation de droit public, la Fondation d’art dramatique (FAD). Forte de 14 membres – sept représentants des partis présents au législatif municipal, deux délégués de la Ville et trois du canton, deux représentants du syndicat des acteurs –, elle a pour tâche notamment de nommer les directions artistique et administrative des deux institutions et de répartir les subventions octroyées par les pouvoirs publics.
En mars dernier, la directrice du Service cantonal de la culture, membre de la FAD, a fait part de son insatisfaction à l’égard de la procédure de sélection des candidatures à la direction artistique de la Comédie: cahier des charges et rôle des experts extérieurs trop peu précis, surreprésentation des syndicats. Des candidatures de qualité sont écartées sans audition des intéressés et sans consultation des experts. Cette semaine le conseiller d’Etat Beer, en charge de la culture, annonce que le canton se retire d’une procédure dont il souligne l’amateurisme.
L’épisode ne vaudrait qu’une brève s’il n’était emblématique d’un mode de gestion inadapté à des établissements publics dotés de budgets considérables et responsables de la mise en œuvre de politiques importantes. Les organes de direction de ces établissements – conseils d’administration, conseils de fondation – sont pléthoriques sans pour autant que leurs membres disposent toujours des compétences nécessaires à leur pilotage. En 1994, la municipalité de Genève a proposé de réduire à sept l’effectif de la FAD; une proposition rejetée par le législatif au motif que chaque parti ne disposerait plus d’un siège dans le conseil de fondation. Il y a quelques années, le gouvernement cantonal a tenté une réforme de la gouvernance des entités publiques telles que les Services industriels, les Transports publics, les Hôpitaux: conseils plus restreints et priorité aux compétences de gestion plutôt qu’à la représentation politique. Réforme combattue par la gauche au nom du nécessaire contrôle démocratique auquel devraient être soumises ces entités, et rejetée en votation populaire.
Or ce contrôle se révèle n’être qu’une pure fiction. Les administrateurs désignés n’en réfèrent en règle générale ni à leur parti, ni à l’entité publique qu’ils sont censés représenter. Et trop souvent ils ne disposent ni des informations, ni des connaissances nécessaires pour contrôler et tenir tête le cas échéant aux directions de ces établissements publics. L’élection dans ces conseils obéit plutôt aux lois de l’ancienneté – politiciens en fin de carrière – et de la reconnaissance pour services rendus au parti.
Le contrôle démocratique des établissements publics ne peut être que le fait des parlements et des gouvernements, par le biais de missions et d’objectifs clairement énoncés. Lorsque les pouvoirs démocratiquement légitimés délèguent ce contrôle à des conseils, même politiquement équilibrés, ils abdiquent leur autorité. Et en confiant la gestion à des amateurs, même de bonne volonté, ils ouvrent la porte à des dérives telles que celle que vit actuellement la Comédie.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!