La Constitution garantit l’égalité de droit entre les femmes et les hommes, en particulier dans les domaines de la formation, du travail et de la famille (Art. 8, al. 3). Les unes et les autres jouissent des mêmes droits politiques (Art. 136). Des institutions, autrefois taboues, deviennent maintenant accessibles aux femmes, à l’image de l’armée ou du Conseil fédéral.
Admise sur le plan juridique et administratif, l’égalité fait cependant défaut dans la réalité. Comme le rappelle une étude récente réalisée par les associations Actares (Actionnariat pour une économie durable) et UND (Familien- und Erwerbsarbeit für MŠnner und Frauen) sur l’égalité des chances dans les entreprises suisses, les femmes sont généralement absentes des postes de direction et des conseils d’administration. A compétences et qualifications équivalentes, leurs salaires sont significativement inférieurs à ceux des hommes. Cantonnées dans des emplois précaires, ou à temps partiel, elles souffrent davantage du chômage que les hommes alors qu’elles recourent moins souvent à l’assurance. Il est vrai que les revenus des partenaires suffisent pendant les périodes d’inactivité. C’est ainsi qu’elles disparaissent des statistiques et qu’elles reproduisent le modèle familial traditionnel: l’homme au travail et la femme au foyer, voire occupée temporairement. Par ailleurs, les femmes renoncent deux fois plus que les hommes à une formation supérieure avec des conséquences désastreuses pour leur avenir professionnel.
Bref, le tableau n’est guère réjouissant malgré l’action résolue des mouvements féministes qui contestent depuis un siècle le pouvoir des hommes fondés sur la distinction biologique des sexes. Bien sûr, le slogan de la « virilisation » des femmes lancé au début du xxe siècle – il fallait ressembler aux hommes pour échapper à la discrimination – découlait encore de cette distinction. Mais celle-ci n’est plus foncière. Le biologique est aussi une production sociale, c’est la grande révélation des années septante. Si la place subalterne des femmes est le résultat de l’oppression masculine, et non de lois divines ou naturelles, alors il est possible de la combattre.
Les femmes deviennent un sujet politique à part entière, émancipé de la tutelle des hommes, même quand celle-ci est bienveillante (cf. le projet de loi vaudois en matière de prostitution à la page 4). Elles dénoncent une réalité d’abus et de vexations, à la barbe du droit et de la Constitution; comment oublier l’opposition obstinée à une véritable assurance maternité et à des congés parentaux? Elles condamnent l’étatisation et la rentabilisation de la garde d’enfants (cf. l’article à la page 5), car celle-ci semble répondre au seul besoin utilitaire de concilier famille et travail. Le discours féministe désavoue l’égalité au service du marché et de l’économie libérale. Il refuse l’alibi d’une domination à peine affaiblie par quelques changements timides dont les inégalités persistantes sont le signe patent. C’est dire si l’égalité au goût du jour ressemble encore à un compromis bancal loin d’un régime où la différence des sexes s’affranchit des hiérarchies mutilant les femmes, mais aussi les hommes.
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