Encore une révision de la loi sur l’asile. Elle répond à l’initiative de l’udc et à l’harmonisation européenne en cours. La première se dresse farouchement contre les abus, et contre l’asile tout court. La deuxième envisage une législation homogène face à l’afflux grandissant de réfugiés. Sur la défensive, le Conseil fédéral suit le mouvement. D’un côté, il compte désamorcer l’initiative en lui emboîtant le pas, malgré quelques mesures favorisant l’intégration des personnes sans statut définitif ainsi que le regroupement familial. De l’autre, il souhaite se rapprocher de l’espace européen et de la Convention de Dublin (le principe du renvoi dans un Etat tiers sûr) en invoquant un certain pragmatisme: la Suisse ne peut accueillir tous les recalés de l’Union. En même temps, il joue la carte des subventions fédérales à l’égard des cantons parfois récalcitrants dans l’exécution de ses directives.
Or, l’objectif des politiques migratoires est de maîtriser les flux en provenance des pays pauvres, toujours en voie de développement : en gros, trois continents plus une bonne partie de l’est européen. La libre circulation au sein du monde occidental se double de la limitation des immigrations depuis le reste du monde. On retrouve le paradoxe d’une globalisation économique bancale où l’ouverture des marchés internes s’accomplit en dépit d’une véritable libéralisation du commerce mondial. Avec la prochaine révision de la Loi sur les étrangers, la Suisse n’échappe pas à la logique de l’exclusion. Car elle entend favoriser l’arrivée des ressortissants des pays occidentaux nantis de titres d’études de qualité et rationner, sinon tarir, l’afflux de main d’œuvre sous-qualifiée, originaire des régions pauvres de la planète.
La Loi sur l’asile est désormais l’instrument de cette politique. Il s’agit de débusquer les faux réfugiés. Tous ceux qui déguisent le besoin économique en demande de protection. Elle sert à éliminer, écarter plutôt qu’à accueillir. Bien sûr, au nom des vrais persécutés. Et tant pis si la procédure d’asile multiplie les obstacles administratifs qui risquent de sanctionner bons et mauvais candidats sans distinction.
Ainsi le recours à l’illégalité, à la clandestinité, promet de se généraliser. Il faudra légiférer, durcir le ton et les pratiques. Une loi inédite sur le travail au noir semble déjà à l’ordre du jour. La déshumanisation de l’asile, voire de toute approche des migrations, guette à l’horizon. Ce ne sont plus des êtres humains, mais des quantités anonymes à contingenter, monnaie d’échange entre gouvernements, otages de xénophobies et populismes alliés.
Le droit à l’asile court à sa perte. Réduit à un mal nécessaire, sans solution, il oublie la générosité. Il devient un réflexe de régulation. A l’image d’un frein à l’endettement, c’est une mécanique institutionnelle plutôt qu’un agent de relation avec le monde. C’est la dérive à conjurer. MD
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