L’Association des filiales des banques étrangères en Suisse, puis l’Association suisse des banquiers ne craignent pas la métaphore casse-tête, baptisant avec humour leur dernière proposition d’impôt à la source du nom du puzzle à trois dimensions, Rubik.
La retenue actuelle qui frappe le rendement de l’épargne étrangère déposée en Suisse, en lieu et place d’un échange d’informations, se révèle si facile à contourner que l’Union européenne ne s’en contente pas. D’où l’idée de perfectionner le système: de frapper aussi les dividendes, les gains en capitaux, les trusts, etc. Et d’appliquer les taux en vigueur dans le pays d’où provient l’épargne ou le placement.
La banque suisse ferait, dans cette hypothèse, un véritable travail de perception et de taxation. Moyennant quoi, le contribuable étranger verrait préservé son anonymat. L’impôt étant acquitté, il serait «en ordre», inconnu fiscalement.
Etonnement
La proposition se veut détaillée. Elle est pourtant incomplète. L’impôt sur les successions n’est pas pris en compte. Or il joue dans l’évasion fiscale un rôle souvent déterminant. N’est pas davantage pris en compte l’impôt éludé sur le montant soustrait au fisc étranger pour le placer en Suisse (DP 1835). Mais ce qui frappe, c’est le virage à 180 degrés des banquiers. Jusqu’à ce jour, ils se présentaient comme un abri, un refuge contre un Etat qualifié d’inquisiteur. Et les voici qui se convertiraient en agents du fisc, d’autant plus redoutables qu’ils auraient accès, sans intermédiaire, au dossier du contribuable.
Mais surtout comment un Etat pourrait-il admettre qu’un droit fondamental qui lui est confié soit transféré pour son application à des sociétés privées, dépourvues de légitimité? Va-t-on confier l’impôt à de nouveaux fermiers-généraux?
Europe
Les banquiers suisses se cramponnent aux justifications du secret bancaire qu’ils ont jusqu’à ce jour défendues: sous prétexte de limiter l’emprise de l’Etat, serait fondé, arbitrairement, le droit que certains se confèrent d’être au-dessus des lois. Reprendre aujourd’hui encore ce mauvais argument, c’est méconnaître l’unification européenne. Elle regroupe des Etats de droit, pourvus d’instances de contrôle et de recours.
La défense des droits individuels est une cause noble, mais par les moyens de droit existants et démocratiquement perfectibles.
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