Dans son intervention à l’Université de Genève, Micheline Calmy-Rey a largement insisté sur les difficultés croissantes des négociations bilatérales avec l’Union européenne. Dans la foulée, elle a souligné l’importance de l’examen des chances et des risques qu’offre la qualité de membre par rapport à celle de non-membre. Cette rhétorique alambiquée cache à peine une certitude. Notre ministre des affaires étrangères est favorable à l’adhésion de la Suisse, tout comme la quasi-totalité de ceux qui négocient ou ont négocié avec l’Europe de Bruxelles. Mais elle ne peut pas le dire ouvertement. Elle va à la limite de ce que lui permet sa fonction. Impossible pour la cheffe de notre diplomatie de poursuivre les négociations en cours sur huit dossiers différents en affirmant qu’elle veut autre chose.
Micheline Calmy-Rey constate qu’il devient ardu de négocier avec 27 pays. L’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, qui accroît les compétences du Parlement européen, compliquera encore les choses. Mais le plus difficile n’est pas là. Bruxelles demande avec insistance que les accords présents et futurs soient évolutifs (DP 1806), qu’ils s’adaptent automatiquement aux nouvelles normes communautaires. Cette exigence d’alignement est inacceptable pour la Suisse.
Les europhiles, et notamment ceux du Nomes, affirment que la souveraineté de la Suisse serait mieux sauvegardée en participant, de l’intérieur, à l’élaboration des règles européennes. Les propos de Micheline Calmy-Rey ne sont guère différents. Mais cette argumentation de nature politique peine à convaincre l’opinion. Nos relations avec Bruxelles sont essentiellement jugées en fonction des avantages matériels qu’elles nous procurent. Et comment prouver que l’adhésion nous serait favorable lorsque economiesuisse martèle le contraire? Malgré les meilleurs arguments politiques possibles, rien ne bougera sans un changement de discours des porte-parole de l’économie.
Un tel retournement n’est pas exclu. On peut imaginer que les banques, harcelées par les attaques contre le secret de leurs affaires, voient un avantage, tout en restant en Suisse, à jouir des même droits que les banques européenne. Les assureurs vie leur feraient écho, appâtés par l’épargne de 500 millions d’Européens (DP 1773). Ils seraient suivis par les électriciens qui peinent à trouver un accord avec Bruxelles. Les chimiques pourraient tourner casaque le jour où la loi suisse supprimera leur protection en adoptant sans exception le système régional des brevets (DP 1730).
Micheline Calmy-Rey, en accord avec le Conseil fédéral, ne pourra ouvertement montrer son audace que lorsque toutes ou quelques-unes de ces hypothèses seront devenues réalité.
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