Le palais fédéral a cent ans. Une bande dessinée le livre à la fiction de son temps. Lieu de la politique, il s’en dérobe dans une aventure à suspense. Blanc Mystère met en scène l’étrange disparition des fresques qui en décorent les plafonds et les murs quelques jours avant les festivités prévues à l’occasion de son anniversaire. Deux experts internationaux sont appelés à la rescousse pour résoudre l’énigme. Exploré, retourné de fond en comble, le palais s’exhibe sous des couleurs baroques qui contrastent singulièrement avec les bulles blanches et muettes, indices de l’effacement des peintures. Blancheur qui répond aux visions d’une Berne dépeuplée, pâle et azur. Mais, le bâtiment est aussi abandonné, orphelin de son petit monde occupé aux affaires de l’Etat. Seule une improbable commission d’enquête traverse les volumes débonnaires de l’édifice où rode un technicien de surface aux charmes ibériques. Figurant un Dali ouvrier, armé de brosses et pistolets sous pression. Premier accusé et fausse piste sans alibi, il ne résistera pas au coup de théâtre final : la découverte d’un appareil à raviver l’éclat des fresques, grippé par le temps. Ni voleurs, ni complot international. Simplement la panne d’une horloge chromatique, gage de la vivacité des teintes et des mélanges. La dérision tout helvétique d’un programme autonettoyant qui se déclenche précisément au bout d’un siècle.
Gourmande en citations, l’histoire est construite en abîme sur deux absents, le peuple et la politique. Elle vacille ainsi dans les formes du paraître. L’être, un rien évanescent, s’incarne peut-être dans la vacuité du palais : l’immeuble et l’immobile.
A la fin, les deux experts passent de l’autre côté du miroir, à l’image d’Alice. Ils s’acheminent à perte de vue au cœur du paysage nuageux surplombant le Conseil national. Impassible et éternel, pourvu que la machine tienne encore cent ans. md
Blanc Mystère, dessins de Matthias Gnehm, scénario de Francis Rivolta, éditions Payot, Lausanne, 2002.
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