Eric Besson, ministre français de l’immigration, expulse trois demandeurs d’asile afghans dans leur pays en pleine guerre. Comme pour se justifier et montrer que son pays ne fait qu’appliquer la réglementation européenne, le ministre, transfuge du parti socialiste, propose à Bruxelles d’organiser les expulsions en commun. Des avions charters caboteraient d’une capitale à l’autre pour ramasser les requérants déboutés et les renvoyer dans leur pays d’origine. Commode et économique. Les expulsions par avions de ligne créent tensions et conflits avec les passagers. Et un charter pour trois personnes coûte vraiment trop cher.
La proposition française, appuyée par l’Italie, tranche avec deux nouvelles directives que la commission de Bruxelles propose d’adopter pour améliorer la politique commune de l’asile. Le commissaire en charge du dossier est le Français Jacques Barrot. Plutôt que de se focaliser sur l’efficacité des renvois, il entend lutter contre la concurrence que se livrent les pays européens pour maîtriser le flux des requérants d’asile.
L’objectif central du traité de Dublin est d’éviter le tourisme des requérants d’un pays à l’autre. Un seul Etat, celui du premier accueil, est compétent pour l’examen d’une demande d’asile. Mais l’accord européen n’a pas imposé une unification des procédures. Les requérants recherchent donc, logiquement, à déposer leur demande dans le pays le plus généreux. Les nouvelles directives entendent harmoniser les règles et les pratiques pour maîtriser cette concurrence sauvage qui provoque des mouvements clandestins à travers l’Europe. Les divergences de politiques constituent par ailleurs une choquante inégalité de traitement. Un Tchétchène sera accueilli dans un pays généreux et expulsé dans un autre. Pour égaliser l’attractivité des divers pays, l’harmonisation porterait non seulement sur les procédures d’examen des requêtes, mais également sur l’accès à la sécurité sociale, à la santé et au marché du travail.
Jacques Barrot, qui arrive à la fin de son mandat de commissaire, aurait voulu aller plus loin. Il voulait modifier la règle de la demande unique dans le pays de premier accueil. Un requérant aurait pu demander l’asile dans un pays où résident des membres de sa famille. De plus, et à défaut d’une répartition équitable des requérants dans chaque Etat, le pays d’accueil aurait reçu 4’000 euros par réfugié.
La Suisse est signataire de Dublin. En vertu de la «clause évolutive» de l’accord, elle doit reprendre les nouvelles dispositions décidées par les pays membres (DP 1837). Le duel Besson -Barrot concerne donc directement notre pays. Le Conseil des ministres de l’UE et le Parlement européen trancheront. En l’absence de ministre et de parlementaires suisses.