Loin des exigences de la guerre et de la défense du territoire, un nouveau service militaire, voué à l’assistance civile, fondé sur l’esprit de milice et le volontariat pourrait voir le jour.
L’école de recrues souffre de la désaffection des jeunes hommes suisses. Entre ceux qui en sont réformés et ceux qui l’abandonnent en cours de route, on compte environ 30 % des effectifs qui échappent définitivement à l’enrôlement. C’est le Département militaire fédéral qui fournit ces chiffres, sans trop s’en inquiéter. L’armée ne manque pas de soldats. Pas encore. Par contre, l’augmentation régulière, depuis les années soixante, du nombre des inaptes au service accuse la relation chancelante entre l’Etat, source de contraintes, et la société, foyer de déviances.
Autrement dit, l’armée est le miroir grossissant des incompréhensions et des tiraillements qui parcourent un univers d’individus, qui demandent davantage d’indépendance, et les principes fédérateurs d’un pays, limitant leur liberté d’action. Bastion de l’autorité, fortement hiérarchisée, synonyme d’ordre et de discipline, représentant un monde d’avant, même s’il reste majoritaire, l’armée est en porte-à-faux avec un mode de vie désarticulé, consacrant l’ouverture et l’insubordination ainsi qu’une certaine incohérence. De ce point de vue, le désengagement des conscrits répond à l’abstentionnisme des votants. Les citoyens, obnubilés par leurs droits, finissent par mépriser leurs devoirs.
D’autre part, l’idée d’appartenance à un pays ou à une communauté, se délite ou, paradoxalement, se radicalise dans une sorte de raptus désespéré, face à une configuration de liens dégagés des attachements traditionnels. Ce sont les affinités, les intérêts, l’épanouissement privés, ou d’un cercle restreint d’heureux, qui prédominent survolant les distances et les frontières, sinon les lois, les transcendances et les appels au sacrifice.
Le défaut essentiel d’Armée XXI, le projet soumis au Conseil des Etats lors de la dernière session des Chambres fédérales, est celui d’éluder ce problème. Il serait temps cependant de bouleverser résolument les termes de la réflexion en imaginant un corps composé de volontaires non-professionnels, voire semi-professionnels. Celui-ci intégrerait les missions de l’armée et du service civil. Abandonnant l’opposition classique entre défense et intervention active, il embrasserait un concept d’assistance souple et généralisée. Il garantirait l’accomplissement de services d’utilité publique non lucratifs mais indispensables.
Un encadrement éducatif non plus centré sur les instruments et les techniques de combat, mais inspiré par le modèle de la formation continue, assurerait sa raison d’être.
Le rôle des femmes dans un milieu masculin à l’excès s’affranchirait des réticences et des stéréotypes qui lui font obstacle. Notamment ces relents de virilité guerrière qui s’affiche encore volontiers.
En somme, il faudrait échafauder une armée, ou ce qui la remplacerait, susceptible de revitaliser un esprit de service et de milice, au cœur du système fédéral depuis sa fondation, qui ne veut se résigner, pour toute contribution sociale, à la seule obligation fiscale. md
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