Un malaise perceptible, insidieux, diffus a gagné la politique suisse.
Le Tessin s’inquiète des effets de l’amnistie fiscale décrétée par le gouvernement italien. Et pourtant ce n’est pas la première. Mais elle est accompagnée, cette fois-ci, de rodomontades ministérielles. L’objectif est de “vider la caverne d’Ali Baba”. La municipalité de Lugano, troisième place financière de la Suisse, s’émeut, en appelle au Conseil fédéral. On exige une réaction. Ne serait-il pas temps de rappeler à Rome que les frontaliers qui travaillent en Suisse sont autant de chômeurs en moins en Lombardie?
Genève, par les élections cantonales, a révélé des soubresauts de même nature. Place financière, refuge de capitaux français, elle sait désormais que ses murailles sont escaladables. Ebranlés, ses électeurs viennent de plébisciter une campagne populiste qui s’en prend là aussi aux frontaliers (dont on ne dit jamais combien ils contribuent aux recettes fiscales du canton, étant imposés exceptionnellement au lieu de travail).
UBS s’est vue épargner un procès devant la justice californienne, au prix de concessions lourdes sur le secret bancaire et grâce à l’engagement diplomatique suisse au plus haut niveau. Mais faut-il parler d’un succès?
Le malaise tient au fait qu’en un demi-siècle, par notre interprétation verrouillée du secret bancaire, par l’utilisation de compétences fiscales cantonales non harmonisées, nous nous sommes créé une rente de prospérité, aujourd’hui remise en cause par les détenteurs du pouvoir: G20, Union européenne, USA. Le réflexe légitime serait de réagir. Hélas! la cause est mauvaise. Non pas celle de notre souveraineté, mais de l’usage que nous en avons fait, celui d’une concurrence fiscale déloyale.
Il ne suffit pas de faire la politique du dos rond et de ne céder que sous contrainte. Il faudrait de nous-mêmes marquer la rupture. Faire de 2009 une date.
Deux mesures pourraient être chargées de ce sens, être des gestes-rupture.
La première, l’inculpation des anciens dirigeants d’UBS, coupables d’avoir organisé sciemment la fraude fiscale au détriment d’un pays partenaire et d’avoir mis en danger par une gestion téméraire l’économie suisse.
La seconde mesure serait d’appliquer à nous-mêmes ce que nous avons dû concéder aux autres. La nouvelle définition du secret bancaire, abolissant l’artificielle distinction entre fraude et évasion, s’applique aux Suisses dans leur rapport avec l’autorité fiscale de leur pays. Pas de secret bancaire indigène!
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