Le «oui» irlandais au Traité de Lisbonne réchauffe l’atmosphère européenne. Après des années d’incertitude, l’Union aura de nouvelles institutions capables de piloter l’avenir de ses 27 pays membres. Elle sera dotée d’un «ministre des affaires étrangères» et d’un président désigné par les chefs d’Etat et de gouvernement pour deux ans et demi. Le pouvoir de son Parlement sera nettement accru et renforcera la légitimité démocratique de l’institution. Les présidents tchèque et polonais doivent certes encore apposer leur signature pour valider le Traité. Mais on voit mal comment deux hommes pourraient résister à la pression de leur propre parlement et de 25 pays partenaires.
La Suisse reste en marge de ce réchauffement climatique. Le rapport du Conseil fédéral sur la politique extérieure est une vraie douche écossaise. Le copieux chapitre que ce document consacre à l’Europe a été manifestement écrit de deux mains. De longs développements démontrent la nécessité de devenir membre de l’Union. En parfaite opposition, la conclusion indique que la Suisse doit consolider sa collaboration bilatérale avec Bruxelles.
Dans son analyse de la situation internationale, le Conseil fédéral constate que nous avons changé d’époque. Les grands défis actuels, crise financière, problème de l’énergie et changement climatique échappent à l’influence d’un pays isolé. La réponse ne peut être que multilatérale. Deux décennies après la disparition du monde bipolaire est-ouest, un nouveau rapport de force s’exerce entre les anciens grands et les nouvelles puissances régionales asiatiques et sud-américaines.
La Suisse est géographiquement au centre de l’espace européen. L’UE est la première puissance économique du monde, le chef de file dans le domaine de l’aide au développement et de l’environnement et un facteur de paix et de stabilité. La Suisse partage ses valeurs, la démocratie, le respect des droits humains, l’économie sociale de marché et le principe du développement durable. Elle collabore avec elle et observe généralement sa législation. Mais en tant que non-membre, elle se prive volontairement de pouvoir influer directement sur ses décisions.
Après ce chaud plaidoyer européen, on s’attendrait, logiquement à la conclusion qu’il faut adhérer. Eh bien non. Le Conseil fédéral constate la justesse du choix de la voie bilatérale qui est largement partagé par la population. Après cette douche froide, le rapport tiédit un peu son propos. La voie bilatérale renforcée ne doit pas mener à une adhésion de facto sans droit de vote. Suit alors la phrase qui vaut son pesant d’acrobatie verbale: «Si des raisons d’ordre politique et/ou économique devaient exiger une nouvelle avancée d’envergure dans le sens de l’intégration, un choix s’imposerait au niveau des instruments appropriés – dont l’option de l’adhésion.»
Pour parler plus simplement, le Conseil fédéral renonce à se mouiller. Il estime, probablement avec raison, que le peuple suisse n’est pas prêt à une adhésion. Pour que les choses changent, il faudra attendre que nos paysans constatent qu’ils écouleront mieux leurs produits dans le grand marché que dans la petite Suisse, que les banquiers croient à un avenir sans s’accrocher à la protection du secret. Il faudra aussi que, après le «oui» irlandais, l’Europe retrouve du tonus et redevienne attractive. Dans cette attente, il faudra accepter qu’un conseiller fédéral soit à la retraite pour oser s’avouer europhile.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!