Curieux professeurs qui, d’après Le Matin Dimanche du 21 juin, affirment que la Suisse n’est pas un paradis fiscal puisqu’elle prélève des impôts, lutte efficacement contre le blanchiment d’argent sale et contrôle ses banques.
Bien sûr le citoyen suisse moyen paie ses impôts. Mais une très forte proportion des étrangers qui cachent leur fortune en Suisse le font pour éviter l’impôt sur le revenu dans leur pays au moment où ils ont été acquis. Ils sont certes imposés à la source sur les intérêts versés, conformément à l’accord avec l’Union européenne. Des peanuts – 653 mios CHF en 2007 –, comparés aux capitaux placés chez nous en franchise d’impôt ainsi qu’aux bénéfices en capitaux qui, dans tous les pays industrialisés, seraient soumis à un impôt sur les plus-values, inexistant chez nous.
Quant au blanchiment, nous sommes il est vrai efficaces depuis l’affaire Marcos, lorsqu’il s’agit de l’argent volé par des chefs d’Etat bien connus. Par contre, nous sommes presque totalement désarmés face à l’argent du crime. Certes, nous connaissons l’identité des détenteurs de capitaux, mais il est rare que ceux-ci nous fournissent un curriculum vitae sur leurs activités criminelles. Or, dans les autres pays civilisés, les administrations fiscales exigent de connaître et contrôlent, pour des raisons fiscales, la provenance des fonds déposés dans une banque, en collaboration si nécessaire avec leurs homologues étrangers. En Suisse, une banque, même avec la meilleure volonté du monde, n’a pas les moyens dont dispose une administration fiscale pour vérifier l’origine des fonds. Le secret bancaire prive donc non seulement la Suisse, mais également ses partenaires étrangers, des seuls moyens efficaces de lutter contre le blanchiment de l’argent du crime: les contrôles fiscaux et l’échange d’informations fiscales.
Comment dès lors s’étonner que les pays, incapables de prélever l’impôt sur les revenus de leurs ressortissants et de lutter efficacement contre le blanchiment de l’argent du crime à cause de notre secret bancaire, nous mettent sous pression. Nier le problème que nous leur posons, se boucher les yeux pour gagner du temps plutôt que de préparer l’avenir, c’est précisément cette absence de stratégie que les professeurs Henri Schwamm et Philippe Braillard reprochent au Conseil fédéral.