Pour observer la joute, la Suisse – cette tache blanche sur les cartes colorées de l’Union européenne – était au balcon. Spectatrice, intéressée assurément, mais sans frustration perceptible de ne pas être acteur.
Elle n’était pourtant pas absente du débat, en tant que présumé paradis fiscal. La droite sarkozienne soulignait que la promesse de réduire les échappatoires fiscales serait tenue. Eva Joly, élue sur la liste des Verts, était garante à gauche du même engagement. La Suisse aurait tort de sous-estimer cette convergence.
Mode de scrutin
Les 736 sièges sont répartis à la proportionnelle selon les quotas attribués à chaque pays. Mais liberté est laissée aux Etats de choisir le vote bloqué, c’est-à-dire que l’électeur vote pour une liste sans pouvoir modifier l’ordre ni marquer entre les candidats une préférence. C’est le parti qui détermine l’ordre d’éligibilité. Il en va ainsi en Allemagne (99 sièges), en Espagne (50 sièges), en Estonie (6 sièges), en France (72 sièges), en Grèce (23 sièges), en Hongrie (22 sièges), au Portugal (22 sièges), en Roumanie (33 sièges), au Royaume-Uni (72 sièges). Plus de la moitié des députés européens est donc élue selon le choix des instances des partis. Les plats sont précuisinés.
Effet de perspective
Le tassement du Parti socialiste français et le succès des Verts se haussant au même niveau ont créé un effet de grossissement qui ne se retrouve pas à l’échelle de l’Union. Les Verts seront 48 sur 736 députés, c’est-à-dire moins que les Souverainistes (53 sièges). Dans la majorité des pays, ils ne sont pas organisés en tant que parti. En Allemagne où ils sont en action depuis longtemps, ayant participé au pouvoir, ils obtiennent 14 sièges sur 99. En tant que parti ils n’ont donc pas le monopole de la prise en compte de l’environnement. Ce n’est d’ailleurs pas le seul point de leur programme. En France ils se sont présentés comme “Europe Ecologie”, avec un clair positionnement à gauche, et en même temps un souci de négocier avec les partis et courants proches. Ce qui, effectivement, laisse une large marge de manœuvre vu la diversité des sensibilité sous les étiquettes communes européennes. Ce pourrait être l’apport de Cohn-Bendit à la politique française, apprendre à être soi-même et savoir négocier.
Les socialistes et l’Europe
Les socialistes ont perdu nettement les élections européennes car ils ne sont pas au clair sur l’Europe. Le marché commun s’est créé (se crée) en cassant les monopoles, en interdisant les aides de l’Etat aux entreprises, en ouvrant tous les marchés à la concurrence. Cette politique libérale bouscule les régies et les services publics que la gauche considérait comme ses forteresses. Le marché commun a été identifié au cheval de Troie du libéralisme mondialisé.
La faiblesse de cette position de méfiance est de n’avoir pas présenté et défendu un autre modèle. La protection de l’environnement en est l’amorce. Erasmus est un exemple de projet européen réussi. Des “services publics européens” peuvent être imaginés, démontrant que l’Union européenne est plus qu’une zone de libre-échange.
Un autre modèle de développement et de solidarité ne peut être le fait d’un seul pays, d’une expérience de laboratoire. Il doit se réaliser à la “bonne échelle”. L’Europe est cette échelle du possible.
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