Le Conseil fédéral donne donc mandat à Eveline Widmer-Schlumpf d’examiner l’utilité de réintroduire le contingentement, pour l’admission de travailleurs en provenance de 17 pays de l’Union européenne, levé il y a deux ans. La mesure ne toucherait pas les pays de l’Est encore sous le régime des quotas. Cette possibilité est expressément prévue par les accords bilatéraux. Pour protéger son marché du travail, la Suisse peut activer une mesure de sauvegarde si elle constate une forte recrudescence d’immigration.
Les conditions de la mise en œuvre de cette clause sont remplies. En effet, encouragées par des affaires florissantes, nos entreprises ont engagé, mi-2008, un nombre important d’étrangers avec des contrats de longue durée. Cependant, la possibilité d’intervention de ladite clause est bien délimitée. La Suisse peut réintroduire pendant deux ans des quotas qui correspondent à la moyenne des trois dernières années majorée de 5% (p.180 du Message du 23.6.1999).
Mais l’activation de la sauvegarde serait complètement illusoire. L’engagement de main-d’œuvre étrangère est étroitement dépendante de la conjoncture. L’immigration a commencé son déclin ces derniers mois et va se poursuivre avec la crise que nous abordons. Elle sera très certainement inférieure à des quotas prenant pour référence trois années de croissance avec un bonus de 5%. Le Conseil fédéral est sans doute convaincu de la totale inutilité d’une mesure assurément sans effet et relevant de la gesticulation. Il entend prendre de vitesse l’UDC , qui n’aurait pas manqué d’évoquer l’activation de la clause de sauvegarde à la lecture des dernières statistiques de l’immigration. Les mœurs populistes gagnent donc le Conseil fédéral. Le patronat est entré dans cette partie de poudre aux yeux. Il a manifesté la crainte, fictive, de ne pas pouvoir engager une main-d’œuvre qualifiée qu’il ne trouverait pas en Suisse. En réalité le seul handicap des quotas pour les entreprises serait de leur imposer de remplir des questionnaires inutiles.
Si les quotas seraient sans effet sur l’immigration, ils le seraient tout autant sur le chômage et les charges qu’il impose. Les statistiques montrent, certes, que le taux de chômage des étrangers est plus important que celui des nationaux. Mais ces travailleurs sont déjà en Suisse. Et rien, dans les accords bilatéraux ne permet de faire des discriminations entre les droits des nationaux et des Européens.
Plutôt que de brandir inutilement des armes inefficaces, le Conseil fédéral devrait plutôt porter son attention sur les mesures d’accompagnement pour éviter le dumping salarial. Dans le dernier numéro de La Vie économique, on lit que la surveillance du marché du travail a été renforcée au moment de l’extension de la libre circulation aux pays de l’Est. Mais des progrès restent à faire. Les contrôles restent difficiles dans les secteurs non couverts par les conventions collectives. Pour déterminer s’il y a dumping salarial, on doit faire référence au «salaire usuel» de la branche. Cette notion prête aux interprétations les plus diverses d’une région à l’autre. Etudier à nouveau la possibilité de fixer des salaires minimaux aurait plus de sens, pour maîtriser l’immigration, que des quotas illusoires et trompeurs.
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