L’affrontement politique est souvent théâtralisé. La politique est aussi spectacle. Elle a ses classiques. Dans la distribution des rôles, la droite aime choisir ceux de la rigueur, de l’équilibre budgétaire («les déficits d’aujourd’hui sont les impôts de demain»), du frein à l’endettement.
Or, la droite suisse, revendiquant ce rôle, a démontré son incapacité à le tenir dans la gestion des assurances sociales. Elle les a menées au bord de la faillite.
Bref rappel
L’assurance-chômage – avant qu’éclate la crise, il faut le souligner – a accumulé une dette de 5 milliards, le taux de chômage ayant été sciemment sous-estimé.
L’assurance perte de gain (APG) aura besoin de ressources supplémentaires pour financer l’assurance-maternité.
L’AVS est saine, mais exigera des recettes accrues à l’horizon proche de 2015.
L’assurance-maladie ne creuse pas de déficit, les charges étant reportées automatiquement sur les patients obligés d’acquitter les hausses des primes.
Enfin, l’assurance-invalidité (AI) traîne une dette de 10 milliards qui augmente au rythme de 800 millions l’an.
Explication
Ce tableau accablant est le résultat non pas de la conjoncture, mais d’une politique délibérée. Elle consiste à limiter les ressources pour mieux exercer une pression sur les dépenses.
L’AI a été l’illustration de cette tactique. Le Conseil fédéral avait proposé une réforme de la loi et, simultanément, parce qu’elles sont inéluctables, des rentrées supplémentaires. Le Parlement a décrété qu’il voulait d’abord s’assurer des économies. Il a mis deux ans pour le faire, quand bien même le déficit continuait à filer.
Quand il a fallu, enfin, aborder le financement, ce fut un interminable bras de fer; un compromis ne fut trouvé qu’en juin 2008: hausse de la TVA de 0,4 point pendant 7 ans. Le taux de TVA étant inscrit dans la Constitution, le projet devait être soumis au peuple et aux cantons. La date arrêtée pour la votation était celle du 17 mai. Dans la psychose ultérieure de crise financière, cette hausse, même temporaire et modeste, d’un impôt de consommation courait à l’échec, a estimé le Conseil fédéral, qui a reporté la votation au 27 septembre prochain.
Consensus à l’épreuve
Le compromis fut l’objet de concessions réciproques d’importance. A droite, admettre une hausse d’impôt, même provisoire. A gauche, accepter que l’AI ne soit pas définitivement à l’abri des pressions financières. L’accord a été négocié directement par les parlementaires eux-mêmes. La ratification populaire a donc un sens particulier.
L’UDC et l’USAM ont déjà annoncé leur opposition. La partie est pourtant jouable. L’effet fiscal peut être plus que largement compensé par les projets de correction de la progression à froid et de déductions pour la famille. Ils pourraient entrer en vigueur simultanément au premier janvier 2010, quitte à prévoir, comme le demande la commission du Conseil des Etats, une session parlementaire extraordinaire.
Le renvoi de la votation au 27 septembre offre donc une chance non prévue de nouer la gerbe de projets fiscaux et de faire apparaître que la hausse modérée de la TVA est largement corrigée pour l’ensemble des contribuables et pour les familles.
Chance du calendrier! Tenus d’assumer leur engagement envers l’AI, les partis peuvent ne pas se présenter les mains vides.
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