Pointant un sabre en bois en criant «sabre au clair», coiffé d’un bicorne en papier, plié avec les pages économiques de la NZZ, Hans-Rudolf Merz s’est dit prêt à prendre la tête d’une grande coalition (GC) qui enrôlerait Andorre, l’Autriche, la Belgique, le Luxembourg, Monaco – manquent les division blindées du Vatican – et qui serait capable de résister au G20. Géopolitique à l’échelle appenzelloise.
Mauvaise conscience
Le malaise suisse est pathétique. D’une part cherche à s’exprimer la volonté de résister, même contre les plus grands, même contre le condominium franco-allemand. Nous avons nos références historiques, avec des défaites glorieuses comme des victoires (Saint-Jacques sur la Birse, Marignan)! Mais d’autre part, ce lyrisme vieux-suisse, aujourd’hui, quelle cause noble devrait-il chanter? Quelle liberté, quelle indépendance? – Le secret bancaire, le réduit fiscal créé par notre législation et notre pratique? Les capitaux et l’épargne ainsi attirés nous ont procuré de larges profits au détriment de nos partenaires. Nous le savons bien. Avec des sentiments nobles nous défendons une mauvaise cause. Nous ne subissons pas une agression, mais un retour de bâton. Et personne ne nous plaint. Malaise.
Stratégie
Quelle est la stratégie du Conseil fédéral? Ce fut d’abord l’immobilisme. Mais il fut contourné au premier mouvement de la cavalerie (allemande?). En toute hâte, tardivement et contraint, fut décidée la révision de l’application du secret bancaire. Il s’agissait d’éviter d’être porté sur une liste d’infamie, grise ou noire. En vain. Dès lors, que faire?
On a observé des réactions vives contre l’OCDE, fondées quand elles dénoncent la désinvolture procédurale dont l’organisation a fait preuve, mais mesquines quand la Suisse menace de ne plus payer sa cotisation d’Etat-membre. On a appris que la négociation pour adapter les accords de double imposition commenceront, sans tarder, premièrement avec le Japon, alors que les Etats-Unis avaient d’abord été cités. On a enregistré la recherche d’alliances (voir intro) et la volonté de faire respecter l’égalité de traitement: nul pays, nulle place financière ne devant échapper aux exigences de transparence. On a pris note du refus de la Suisse d’accepter l’échange automatique d’informations. Les demandes d’entraide devront être motivées et examinées cas par cas. Enfin on s’est étonné que les nouvelles interprétations du secret bancaire ne s’appliquent pas aux Suisses, qui continueront à bénéficier de l’ancienne pratique. Rien ne change, annonçait, satisfait, H.-R. Merz.
La stratégie du Conseil fédéral est donc sous surveillance internationale, une stratégie (quel grand mot) de retouches.
Un nouveau Conseil fédéral
Une position fondamentalement nouvelle renoncerait à l’attractivité éventée du secret en jouant sur la rigueur, la qualité des services, sur ce que nous appelions la loyauté compétitive (DP 1818).
Aujourd’hui la phrase banale, «il a un compte en Suisse» signifie «il a planqué de l’argent en Suisse». Au terme de la révolution bancaire, on devrait comprendre «il a un compte en Suisse» au sens de «il a fait un placement sûr».
Promouvoir cette nouvelle stratégie ne pourrait être que le fait d’une nouvelle équipe gouvernementale. Car la majorité des membres du Conseil fédéral ont, à réitérées reprises et publiquement, déclaré le secret bancaire «non négociable». Ils ont dû baisser pavillon, leur crédibilité et leur capacité d’initiative en sont entravées.
Or le renouvellement du Conseil fédéral est à l’ordre du jour de manière lancinante. Circulent répétitivement les noms de Pascal Couchepin et Moritz Leuenberger. C’est la routine; le disque de la question du journaliste et de la réponse de l’intéressé peut être passé en boucle. Mais à ces noms convenus pourraient s’en ajouter d’autres, à commencer par celui de Hans-Rudolph Merz, dont on peut douter, dans le contexte international, des qualités d’appréciation et d’action.
A peine avancée, l’idée de ce qui serait ailleurs un remaniement ministériel paraît intempestive pour des raisons ressassées, qui tiennent à la politique des partis soucieux de choisir le bon moment. De surcroît les conseillers fédéraux décident seuls de leur retraite. Il faut donc exercer une pression d’autant plus forte.
La Suisse vit un changement historique. Il doit en temps utile se traduire par une relève de la capitainerie.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!