Les bonus ont du bon. Pour ceux qui les touchent, palpablement. Pour les autres, ce n’est qu’un article de la boutique capitaliste, en vitrine, avec les parachutes dorés, les stock-options, toute la bimbeloterie des sursalaires.
Avant la crise financière, la rétribution des dirigeants bancaires choquait, étant hors de toute échelle. On dit que Ford, qui voulait que ses ouvriers aient les moyens de s’acheter une voiture, estimait que l’écart des salaires, du plus modeste au plus élevé, pourrait être de 1 à 40. Nous en étions, aux temps d’Ospel, au rapport de 1 à 400. Hors norme que rien ne peut justifier, si un homme est un homme.
La crise a ravivé l’esprit critique. Les bonus sont jugés inacceptables quand la société qui les attribue est soutenue par l’Etat. Le bonus ne saurait être une prime payée par le contribuable. Le bonus n’est pas tolérable si l’entreprise enregistre des pertes, si elle licencie. Plus radical encore, les salaires des dirigeants devraient être ramenés aux montants des directeurs d’entreprises publiques. Cette remise en question traverse les courants politiques. Obama donne le ton, mais, exemple local, l’UDC ultra-libérale veut aligner la rétribution des dirigeants d’UBS au niveau de celle du directeur de la Poste!
Ces critiques, morales ou pratiques, sont pertinentes. Mais quelle est leur portée? Dénoncent-elles un abus? un excès? Une fois ceux-ci corrigés, les choses rentreraient-elles dans l’ordre? Ou bien est-il possible de remettre en question le système?
Administrateur et directeur
Les grandes sociétés, qui ne sont qu’une part du tissu économique mais représentatives des enjeux, sont couramment l’objet d’une lutte de pouvoir interne entre la direction générale et le conseil d’administration. En principe, les rôles sont bien définis. Au conseil, les choix stratégiques, les nominations; à la direction générale, l’exécution, la conduite des opérations. En fait, la direction générale cherche à prendre position au sein du CA. D’où les réactions de groupements d’actionnaires, tel Ethos, pour éviter les doubles mandats, les deux casquettes, de directeur général et de président du CA portés par un seul et même homme.
Mais ces cumuls, cette concentration de pouvoir, traduisent une volonté de s’attribuer une part la plus grande possible de la plus-value créée par la société.
Participation
A la prise de pouvoir des managers, les actionnaires, s’ils sont regroupés, peuvent répondre en demandant que l’enveloppe de rétribution des directeurs et administrateurs soit soumise à leur approbation.
Mais dans la mesure où il ne s’agit pas seulement de la rétribution de base, mais d’un bonus, c’est-à-dire d’un intéressement, pourquoi l’enveloppe se limiterait-elle à la seule classe des directeurs et administrateurs? Pourquoi ne pas associer tous les salariés de l’entreprise, tous ceux qui créent la plus-value?
La logique du bonus, c’est la participation.
La participation généralisée se heurte aux intérêts des actionnaires, soucieux de préserver le bénéfice réparti en dividendes. Le principe et les modalités de la participation devraient donc être imposés par la loi.
Actuel
On objectera que les priorités d’aujourd’hui sont le maintien de l’emploi, la défense du salaire de base. C’est vrai. Mais l’ébranlement du système est l’occasion de ne pas souhaiter revenir au statu ante.
Le bonus porte en lui-même une remise en cause du système. Pourquoi serait-il réservé à quelques-uns? Il ne faut pas l’abolir, il faut le généraliser.
Et si l’envie vous prend de passer de l’autre côté de l’écran, DP est ouvert aux nouvelles collaborations: prenez contact!