Micheline Calmy-Rey s’est entretenue pendant trente minutes avec Hillary Clinton à Genève. Elle en a rendu compte elle-même et unilatéralement par une conférence de presse, notamment pour souligner que fut abordé le dossier UBS. Pourquoi, aurait demandé la ministre suisse, déstabiliser cette banque? Elle joue un rôle de premier plan sur la place financière américaine que sa faillite ébranlerait; elle assure des milliers d’emplois. Enfin, les litiges doivent être réglés selon les procédures reconnues par les deux pays. L’ultimatum est, par définition, inamical.
On ne sait ce que la secrétaire d’Etat a pensé de cette protestation-plaidoirie. Mais des banques suisses, elle connaît l’âpreté au gain et leur dépendance du marché américain. L’administration de Bill Clinton s’était impliquée fortement dans l’affaire des fonds en déshérence. L’«arrangement» final fut fêté ostensiblement dans un grand hôtel de New York. Hillary Clinton animait cette fête.
Conjoncture et structure
Dans le dossier UBS – USA, la faiblesse de la position suisse résulte de deux facteurs. Tout d’abord, UBS a commis une faute grave, en collaborant de manière active au contournement des lois américaines, en ne respectant pas non plus la loi suisse sur les banques. Deuxièmement, la faiblesse est structurelle. UBS occupe sur le marché suisse du crédit et de l’épargne un des premiers rôles, mais en même temps, comme banque universelle et gérante de fortune, elle a besoin de s’affirmer sur le marché américain. Il en résulte une aliénation de notre souveraineté nationale. Si le ministère de la justice des Etats-Unis retirait à UBS sa licence bancaire, il asphyxierait l’économie nationale suisse. D’où l’humiliante soumission dont a fait preuve le Conseil fédéral devant l’injonction américaine de respecter les délais fixés: la Finma (autorité de surveillance des marchés financiers) court-circuitant la procédure administrative, invoquant un droit d’urgence mal fondé, et cela à la demande du Conseil fédéral!
Couper le cordon
La solution est simple, sur le papier. C’est de rendre indépendante la section d’UBS s’occupant du marché suisse. La socialiste Suzanne Leutenegger Oberholzer demande, c’est un point de la motion qu’elle a déposée le 5 mars, que le Conseil fédéral étudie les moyens de réaliser cette autonomie d’UBS, banque de détail suisse. Sa motion a été acceptée par la Commission de l’économie et des redevances grâce à l’appui des voix UDC. Le débat devant le plenum sera de première importance.
Les possibilités sont diverses. Par exemple une exigence accrue de provisions pour les banques ayant une activité de banque d’affaires. C’est ce que proposait déjà la Commission fédérale des banques. Mais il s’agit plus d’une règle de prudence difficile à appliquer présentement que d’une restructuration. On peut aussi agir par une modification de la loi sur les banques en limitant les activités étrangères pour les banques de crédit en position forte sur le marché national.
Si UBS se fragilisait encore plus, une nouvelle intervention de l’Etat aboutirait à une prise de majorité, l’Etat imposerait alors de l’intérieur la restructuration.
Enfin UBS pourrait aussi, selon les circonstances, vendre sa banque de détail ou autonomiser toutes ses activités aux USA.
Souveraineté
A quoi sert l’effort de défense nationale, si nous acceptons d’être vassalisés sur le plan bancaire? Du débat aux Chambres, on devrait attendre cette exigence de souveraineté recouvrée. C’est un tout autre problème que celui de la défense retardataire du secret bancaire. La motion Leutenegger Oberholzer permet de faire clairement cette distinction. Ce serait un signal fort qu’elle soit acceptée en plenum au National.
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