Depuis le rejet de l’adhésion à l’Espace économique européen en 1992, le Tessin a systématiquement refusé tous les projets de rapprochement avec l’Union européenne. Alors que l’opposition aux accords bilatéraux a faibli dans toute la Suisse lors de la votation du 8 février dernier, le camp du rejet a encore gagné en puissance au Tessin à cette occasion. Comment expliquer cette attitude de nos compatriotes italophones? Dans le Tages Anzeiger du 11 février 2009, son correspondant au Tessin René Lenzin a tenté d’éclairer l’énigme de ce qu’on appelle déjà la barrière de polenta. Et la SonntagsZeitung de ce week-end revient sur le sujet, présentant notamment un long entretien avec Marco Borradori, figure «acceptable» de la Lega, seul membre du Conseil d’Etat à avoir préconisé le non à la libre-circulation.
Les raisons de cet isolationnisme ne résident pas seulement dans la crise économique. Coupé de la Suisse par la barrière des Alpes et menacé au sud par la puissante Lombardie, le Tessin s’est refermé sur lui-même dans une attitude de défense qui s’exprime notamment lors des votations en matière de politique étrangère. Contrairement à Genève et Bâle, le Tessin ne représente pas le pôle dominant d’une région transfrontalière, mais se perçoit plutôt dans une relation de dépendance à l’égard de Milan.
Viennent s’ajouter bien sûr des variables socio-économiques qui peuvent renforcer cette attitude défensive. Le Tessin connaît un taux de chômage élevé, juste derrière Genève, et le salaire moyen le plus bas du Suisse. Le revenu des ménages tessinois est inférieur à celui de toutes les régions du pays, Alpes et Suisse orientale comprises. La concurrence des travailleurs et des entreprises italiens est d’autant plus mal ressentie que les Tessinois ont à affronter de nombreuses tracasseries administratives lorsqu’ils désirent bénéficier de la libre circulation vers le grand voisin du Sud.
La Lega, la formation populiste et franchement xénophobe, n’a pu que tirer profit de ce terrain. Sa politique agressive diffusée par un hebdomadaire gratuit, sa propension à calomnier ses adversaires ont contribué à paralyser une bonne partie de la classe politique qui a craint de s’engager clairement en faveur des bilatérales. Les maires de Lugano, Chiasso et Mendrisio, deux radicaux et un démocrate-chrétien, ont même fait campagne pour le non.
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