Julia D. (nom fictif) a peur des souris. Qu’il en grouillait dans les écuries de son lointain village d’origine! Réfugiée en Suisse, elle a vécu dans une vieille ferme infestée de loirs. Sur sa demande, les autorités communales sont alors intervenues rapidement. Ses enfants (11 et 8 ans), qu’elle élève seule, vont à l’école et elle complète aussi ses connaissances. Elle ne veut pas entendre parler d’un conflit culturel entre sa patrie d’origine et la Suisse, car, ouverte sur le monde, elle ne pense pas en termes de «nation» et refuse tout conflit entre les générations. «Je prends ce qu’il y a de bien dans ce que mes parents m’ont apporté et dans ce que mes enfants apprennent à l’école», dit-elle.
Travail salarié et éducation des enfants
Les deux enfants de Julia sont le fruit d’une relation stable. Elle n’est pas mariée et ne touche aucune pension alimentaire. Comme nombre de mères célibataires, elle est engagée à l’heure. Au bénéfice d’un contrat à durée indéterminée, elle travaille à 50% comme caissière chez un discounter de l’informatique: «Parfois ce sont 20 heures de travail, d’autres, 30 heures ou 40, selon la quantité de travail», précise-t-elle. Son salaire mensuel moyen étant de 2000 francs, plus les allocations familiales, sa commune de domicile doit compléter avec l’aide sociale le revenu de cette jeune famille monoparentale. Mais Julia aimerait sortir le plus vite possible de cette situation. Finalement, dans sa patrie, elle travaillait comme comptable diplômée.
Une formation à rattraper
Or la Suisse ne reconnaît pas son diplôme. C’est pourquoi elle aimerait suivre les cours de l’école de commerce la plus proche, ce qui n’est pas gratuit. De plus, elle veut aussi conserver son petit salaire de caissière. Cependant, l’aide sociale communale aimerait la forcer à faire la formation moins chère de responsable de filiale. Julia essaie, en s’adressant à des fondations, de trouver l’argent nécessaire pour financer la différence de coût que représente la formation qu’elle souhaite suivre à l’école de commerce. Si elle terminait cette formation, elle pourrait subvenir elle-même à l’entretien de sa famille grâce à un travail intéressant. Par rapport à un soutien financier à garantir éventuellement sur la durée, les économies réalisées par la commune seraient considérables.
Echapper à la pauvreté
L’aide sociale soutiendra-t-elle le projet de Julia? Préférant une vision à court terme, ne voudra-t-elle financer que la formation minimale, malgré les vœux de Julia? Une aide sociale intelligente serait possible ici. Julia pourrait acquérir à moyen terme une formation professionnelle selon les normes suisses. Rudolf H. Strahm écrit dans Warum wir so reich sind * («Pourquoi nous sommes si riches») qu’une formation centrée sur une profession est comme une assurance contre la pauvreté ou un travail précaire… «Dépenser plus et faire plus d’efforts pour une formation proche du marché du travail et une intégration dans le monde du travail, cela permet de réduire plus tard les dépenses faites par l’État social pour lutter contre la pauvreté, ou de les éviter» (trad. Moitié).
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* Rudolf H. Strahm, Warum wir so reich sind, hep-verlag, Bern, 2008
Paul Ignaz Vogel rédige Hälfte / Moitié, service de média indépendant en matière de travail et de chômage édité par l’Association pour la justice sociale (Wabersackerstrasse 21 3097 Liebefeld-Bern)
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