Le parti suisse du travail, appuyé par le syndicat Unia, a annoncé le lancement d’un référendum contre l’abaissement du taux de conversion des avoirs du deuxième pilier. Une réaction populiste qui traduit le refus de prendre en compte l’évolution de l’espérance de vie et la situation des marchés financiers, ou l’occasion de mettre de l’ordre dans un dossier à 600 milliards de francs géré de manière opaque et pas toujours à l’avantage des assurés?
En effet, la gestion globale des avoirs du deuxième pilier s’apparente à un pilotage sans visibilité, par tâtonnements, approximations et compromis. La détermination du taux de conversion – le taux qui permet de fixer le montant de la rente en fonction du capital épargné – et du taux minimum de rémunération des avoirs illustre à intervalles réguliers le bricolage auquel s’adonnent les autorités (DP 1732).
La première révision de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle (LPP), adoptée en 2003, est entrée en vigueur le 1er janvier 2005. Elle abaissait progressivement, en dix ans, le taux de conversion de 7,1 (7,2 pour les femmes) à 6,8%. Pour éviter une baisse trop importante des rentes, le capital accumulé devait être augmenté par une mesure qui permettait du même coup une meilleure intégration des femmes dans la prévoyance professionnelle. C’est donc en 2015 que l’objectif d’un taux minimum de 6,8 devait être atteint. En 2011, un rapport, le premier d’une série qui devait être présentée tous les dix ans, devait donner des bases plus solides pour apprécier les évolutions futures et élaborer des propositions nouvelles. Mais bousculant ce calendrier avec une hâte surprenante et bien mal fondée, le Conseil fédéral a proposé en novembre 2006 déjà non seulement d’accélérer le mouvement à la baisse, mais encore d’aller d’emblée bien au-delà: il voulait atteindre un taux minimum de 6,4% au 1er janvier 2011. Lors de la dernière session d’hiver, le Parlement a bien adopté le taux de 6,4%, à atteindre dans les cinq ans suivant l’entrée en vigueur de la révision: soit vraisemblablement au 1er janvier 2015 seulement. Ces chiffres sont loin d’être anodins puisqu’une diminution du taux de conversion de 0,5% représente une baisse de 8% de la rente. Dire que l’objectif de la poursuite du niveau de vie serait maintenu apparaît pour le moins problématique.
Une même opacité préside à la fixation du taux minimum de rémunération des avoirs par le Conseil fédéral. De 2,75% en 2008, il passera à 2% en 2009. Normal, pourrait-on croire, au vu de la dégringolade des marchés financiers. Etrange pourtant quand on se souvient que ce taux n’était que de 2,5% en 2005. Ce yoyo ne correspond pas à la réalité des rendements des placements, ni sur le court terme, ni surtout sur le long terme.
Le premier pas rapide d’une réforme indispensable consisterait à adopter des formules claires et transparentes pour l’adaptation des taux. Notamment en tablant sur le long terme et non sur des adaptations au jour le jour pour ce qui est du taux de rémunération.
Le deuxième pas conduirait à ne plus agréer que les fondations indépendantes, caisses des grandes entreprises et caisses interprofessionnelles. Donc à supprimer les fondations collectives liées à des sociétés d’assurance privées. Ces sociétés d’assurance qui font pression pour des taux à la baisse, de manière à optimiser leurs bénéfices (DP 1793).
Plus fondamentalement, le troisième pas devrait ouvrir une réflexion sur l’impact de l’épargne du deuxième pilier sur l’économie. Cette thésaurisation imposée aux salariés ne met-elle pas sur le marché un volume de liquidités à placer et donc des exigences de rendement propres à stimuler les crises financières? Ne serait-il pas temps de trouver un nouvel équilibre entre le premier et le deuxième pilier? Un renforcement de l’AVS au détriment de la prévoyance professionnelle permettrait de mieux couvrir les besoins des retraités.
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