Bruxelles veut revoir profondément ses relations avec la Suisse. Le rapport du Conseil des ministres de l’Union constate que le mécanisme qui permet une relation harmonieuse avec les pays de l’Espace économique européen (EEE) ne s’applique pas à la Suisse. Il faudra donc y remédier. Pour comprendre, effectuons un retour vers les accords rejetés par le peuple suisse en1992.
L’accord EEE négocié entre la CEE et l’AELE vise à créer un espace économique homogène – donc régi par des règles identiques – entre les deux groupes de pays. Mais le marché évolue constamment et les règles communes admises à la conclusion de l’accord sont rapidement obsolètes. L’accord doit donc pouvoir évoluer, se transformer sans heurt. Dans l’idéal, CEE et AELE sont des partenaires égaux. Mais dans la pratique, c’est plutôt au petit groupe de pays de s’adapter à l’évolution de celui qui est bien plus grand.
Pour maîtriser cette délicate évolution, l’accord EEE a mis au point un mécanisme fort compliqué. Simplifions par un exemple pris entre mille. Pour se prémunir contre la menace grandissante des attaques criminelles, Bruxelles entend renforcer le contrôle de ses frontières extérieures. Pour rester sans entrave dans le grand marché, les pays de l’EEE doivent également revoir leurs contrôles. Mais avant tout projet nouveau, la Commission de Bruxelles consulte ses partenaires, et recueille leurs remarques. Un organe mixte s’efforce d’aplanir les divergences. Puis, il appartient aux ministres de l’Union de décider. Un pays de l’AELE peut cependant refuser l’arrangement. Il met alors son veto qui suspend pour tous les pays de son groupe la partie de l’accord EEE touchée par la nouvelle règle. L’organe mixte cherche alors un nouvel arrangement. Ouf! Cette splendide usine à gaz a semble-t-il fonctionné à satisfaction avec la Norvège, l’Islande et le Liechtenstein.
Les accords bilatéraux n’échappent par à l’exigence de l’homogénéité du grand marché (DP 1804). Les ministres de l’Union viennent de le rappeler et exigent une généralisation de la clause évolutive. Vont-ils, dans un accord cadre avec Berne, accepter de créer une seconde usine à gaz comparable à celle de l’EEE ou vont-ils plus simplement imposer la reprise de l’acquis communautaire?
En Suisse, les adversaires de l’EEE rejetaient cet accord. Ils le comparaient à une rivière sans retour entraînant inexorablement la Suisse vers des règles imposées par l’Europe. Souverainistes, ils préconisaient des accords bilatéraux intangibles, seulement modifiables par la volonté expresse de la Suisse, donc du peuple souverain. Seize ans plus tard, ils doivent constater l’impasse. Bruxelles exige la généralisation de la clause évolutive. Quel que soit l’arrangement auquel les négociateurs suisses puissent parvenir avec Bruxelles, ils n’obtiendront pas un régime plus favorable que celui de l’EEE. Nous retrouverons donc le même défi posé au peuple suisse en 1992. Sans une perte de souveraineté, même restreinte, il n’y a pas de participation à un grand marché homogène.
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