La question du jour du plus grand quotidien vaudois fait un tabac. Chaque lecteur de 24 Heures peut se prononcer sur une question d’actualité. Un clic de souris sous la rubrique «sondage» du site www.24heures.ch, et le tour est joué. Le journal publie le lendemain le résultat chiffré de cette consultation. Ainsi, le 4 décembre on peut lire que sur 1177 lecteurs qui ont donné leur avis 58% disent non à l’extension de la libre circulation à la Roumanie et la Bulgarie. Le graphique qui illustre ce résultat saute aux yeux et ne peut laisser le lecteur indifférent. Il provoque instinctivement satisfaction ou mauvaise humeur. C’est tout bon pour l’attrait du journal. Belle opération commerciale donc, mais information biaisée.
Le sondage d’opinion à vocation scientifique interroge un échantillon représentatif de la population. Rien de tel avec la question du jour de 24 Heures qui n’est qu’un sondage bidon. Première distorsion fondamentale: le lecteur particulièrement touché par la question prend l’initiative de répondre. Ce libre choix dans la participation aboutit à une surestimation évidente des opinions militantes. A ce défaut de base vient s’ajouter une très facile manipulation. Il suffit à un parti politique ou une quelconque organisation d’inviter ses membres à voter pour faire pencher la balance. Un sujet sur l’école peut mobiliser, selon la question posée une association de parents d’élèves ou un syndicat d’enseignants. L’association des EMS défendra avec succès le bon renom des maisons de retraite. La réglementation du port d’armes subira le tir nourri de Pro Tell.
Le journal 24 Heures n’ignore évidemment pas les défauts du système et sa grande vulnérabilité face aux manipulations mais ne renonce pas pour autant à une rubrique attractive. Le «sondage» sur la libre circulation est peut-être le coup de trop. Il na pas passé sans vague dans la rédaction. Avec une franchise qui l’honore, et sans doute le feu vert de la rédaction en chef, le journaliste Emmanuel Barraud nous apprend que le secrétaire général de l’UDC a mobilisé ses troupes pour infléchir le sondage, imitant ainsi les socialistes lausannois. Le journal constate qu’il «sert malgré lui de porte-voix à l’UDC». Vraiment malgré lui? Il suffirait à 24 Heures de renoncer à ses sondages bidon pour retrouver son indépendance.
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