Dix milliards de francs pour Novartis, 25 milliards pour Nestlé, 15 milliards pour UBS. Ce ne sont que quelques exemples des programmes de rachat d’actions annoncés ou réalisés par des entreprises au cours des derniers mois. Le phénomène n’est d’ailleurs pas propre à la Suisse.
Avec les salaires mirobolants que s’octroient leurs dirigeants et les généreux dividendes versés à leurs actionnaires, le rachat d’actions traduit l’incapacité des grandes entreprises à investir dans l’innovation. Ces dernières se montrent de plus en plus tentées par l’augmentation du rendement de leurs fonds propres – c’est ce à quoi conduit le rachat d’actions –, au détriment de la création de valeur par l’amélioration de l’appareil de production. Cette course au rendement rapide est en totale contradiction avec les objectifs affirmés de l’économie capitaliste, à savoir la nécessité de dégager des marges bénéficiaires pour investir et fournir des revenus consommables. Au contraire, les exigences de taux de rendement sans commune mesure avec l’économie réelle – des 12 à 20%, alors que la croissance économique ne dépasse pas 2 ou 3% – pèsent lourdement sur le revenu des salariés, qui devient une variable à comprimer, tout comme sur le niveau de l’emploi. Ces exigences empêchent également toute perspective à long terme, seule garante de la viabilité des entreprises.
La crise des subprimes ne met pas seulement en évidence les faux-pas de telle direction ou de tel trader. Elle reflète le caractère suicidaire d’un capitalisme financier qui s’est émancipé de son rôle premier d’intermédiaire au service de l’économie productive et qui génère ses profits en cannibalisant cette dernière. Les entreprises de biens et de services, à leur tour contaminées, aspirent à des profits qui ne servent plus leurs objectifs de production mais leur valeur boursière. Patrick Artus et Marie-Paule Virard ont décrit minutieusement les mécanismes de cette dérive sous un titre évocateur: Le capitalisme est en train de s’autodétruire.
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