Cela n’a pas échappé aux observateurs attentifs : le texte de l’Union syndicale sur l’imposition des gains en capitaux est un texte édulcoré ; l’initiative ne prévoit pas de doter l’État de moyens simples d’identification et de contrôle des gains réalisés. Un des « préparateurs » de l’initiative, le conseiller national socialiste Rudolf Strahm, avait pourtant proposé, selon le modèle américain, une obligation de renseigner les autorités fiscales, valable pour les banques et les autres acteurs du marché des capitaux. Dans le texte définitif, soumis à la signature des citoyens, cette obligation a disparu.
On objectera qu’il n’est pas nécessaire d’alourdir la Constitution d’une telle disposition ; le législateur s’en chargera. Mais alors pourquoi prévoir dans le texte constitutionnel que la déduction des pertes peut être reportée sur deux ans ; que les gains jusqu’à 10 000 francs ne sont pas imposables ? On retient le détail qui rassure, pas le détail qui pourrait effrayer. Et comment imaginer une majorité parlementaire, dont on connaît la docilité à l’égard des banques, qui imposerait la levée partielle du secret bancaire si le peuple ne lui en donne pas mandat ?
Cette caponnade est révélatrice, sur ce point, d’un embourgeoisement de la gauche socialiste. La levée du secret bancaire à l’égard des autorités fiscales était un point fort de son programme, notamment après l’obligation faite aux salariés de présenter une déclaration de salaire. Mais dans le programme économique du PSS, adopté pour dix ans, 1994-2005, et qui porte le titre assez ronflant : « L’avenir dépend de réformes fondamentales », ce point, fondamental précisément, a disparu.
Aucun pays, même les plus libéraux comme les États-Unis, ne connaît une telle exterritorialité bancaire. Notre législation limite ainsi, à moins qu’il s’agisse de délits pénaux, l’entraide judiciaire et administrative. Nous protégeons internationalement le marché gris des fraudeurs suisses et étrangers. Et tous ceux qui aujourd’hui réclament une ouverture de la Suisse, se référant parfois au modèle américain ou européen, semblent peu pressés de faire sauter ce particularisme. La droite économique veut faire sauter les derniers résidus du droit de timbre, parce que l’Europe ne les connaît pas. C’est une entrave. Mais les faveurs cumulées de notre droit fiscal et du secret bancaire ignorent l’Europe, elle veut les conserver. C’est de bon rapport. Indéfendable et à remettre, sans tabou, à l’ordre du jour. AG
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